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LE NAIN CHARRETIER

court, gros et renfrogné, assis sur le limon et qui tenait, comme font les charretiers, une longue verge à la main.

— Nain, lui demanda-t-il après l’avoir salué, ne saurais-tu me donner nouvelles d’une dame qui va par ici ?

— Vous parlez de la reine ? Désirez-vous beaucoup d’avoir de ses nouvelles ?

— Oui, fit l’étranger.

— Je te la montrerai demain si tu fais ce que je t’enseignerai. Monte sur cette charrette et je te mènerai où tu pourras la voir.

Or, sachez qu’en ce temps-là, c’était une si ignoble chose qu’une charrette, que nul chevalier n’y pouvait entrer sans perdre tout honneur. Et quand on voulait punir un meurtrier ou un larron, on le faisait monter en charrette comme aujourd’hui au pilori, et on le promenait par la ville. Et c’est à cette époque qu’on disait : « Quand charrette rencontreras, fais sur toi le signe de la croix afin que mal ne t’en advienne ! » C’est pourquoi l’étranger répondit au nain qu’il irait bien plus volontiers derrière la charrette que dedans.

— Me jures-tu que tu me mèneras auprès de madame la reine si j’y monte ?

— Je te jure, dit le nain, que je te la ferai voir demain matin, à prime.

Alors l’étranger sauta dans la voiture sans plus hésiter.