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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

votre tour vous me pardonniez d’avoir causé votre courroux.

Ce qu’il fit ; après quoi il s’habilla, revêtit ses armes qu’on lui avait préparées sur une table, et courut aux chambres où il avait passé la veille, pensant qu’il y trouverait quelqu’un ; mais elles étaient fermées à double tour : il eut beau heurter, et si rudement qu’un sourd endormi l’eût entendu, il ne sut tant faire qu’il obtînt aucune réponse. La salle était ouverte, mais vide : il la traversa, descendit les degrés, arriva dans la cour, vint à l’étable : son cheval y était tout sellé, bien nourri, les flancs remplis, si soigneusement étrillé et pansé que pas un poil ne dépassait l’autre ; alors il saisit son écu et sa lance qu’il vit appuyés au mur, tira le destrier dehors, l’enfourcha, s’approcha du pont-levis et, le trouvant baissé, se mit en devoir de le franchir. Il n’en était pas sorti qu’il sentit qu’on commençait de le relever : aussitôt, brochant son bon cheval, il lui fit faire un tel saut que l’animal atteignit le bord du fossé ; mais certes il s’en fallut de peu qu’il ne plongeât dans l’eau. Lancelot le poussa en avant et, quand il se retourna, il ne découvrit plus la moindre trace du Château aventureux d’où il sortait. Alors il s’éloigna, si dolent d’avoir faussé ses amours et si pensif, qu’il ne voyait pas seulement où son destrier le menait.