Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
LA VIERGE PAR AMOUR

— Demoiselle, je vous dirai ce que jamais je n’ai dit à personne : j’aime en un haut lieu, et jamais je ne fausserai mes amours. Le voudrais-je que je ne le pourrais : car mon cœur et mon penser sont à ma dame, que je veille ou dorme ; et mon esprit ne rêve que d’elle, mes yeux ne regardent que de son côté, mes oreilles n’entendent que ses paroles ; et mon âme, mon corps, ma vue, mon ouïe, mon mouvement, ma voix, mon rire, tout de moi lui appartient comme le serf à son seigneur.

— Sire, dit la pucelle en pleurant, vous parlez en loyal chevalier et prud’homme. Vous aimez en haut et vaillant lieu, je le sais bien, et vous feriez mal si vous donniez votre amour à une autre dame ; mais vous pouvez le donner à une pucelle sans en fausser la droiture. Je vous aime d’une manière qui le permet, car par nous la chasteté ne sera jamais corrompue. Jurez-moi qu’en quelque lieu que vous vous trouviez désormais vous me tiendrez pour votre amie, sauf l’honneur de votre dame, et moi je vous jurerai que jamais je n’aurai d’autre ami que vous, et que pour l’amour de vous je garderai ma virginité à tous les jours de ma vie : ainsi pourrez-vous m’aimer comme pucelle, et elle comme dame… Las ! je ne sais quand je vous reverrai : octroyez-moi l’un de vos joyaux que je puisse garder en souvenir de vous.

— Belle douce amie, volontiers !