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LA FONTAINE AUX COULEUVRES

qu’elle se sentait malade, mais qu’elle guérirait bientôt, s’il plaisait à Dieu.

Cependant, Lancelot, qui avait grand soif, trouvant l’eau de la source bonne et froide, en puisait dans une coupe d’or et il en buvait tout son content. Et voilà que, tout à coup, les yeux lui tournèrent dans la tête et qu’il sentit une grande douleur au cœur : il tomba gisant comme mort.

— Sainte Marie ! s’écria la vieille en pleurant, laisserez-vous trépasser ainsi monseigneur Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du monde ?

Comme elle parlait, deux longues et hideuses couleuvres sortirent de l’eau, puis y rentrèrent.

— Douce amie, dit le chevalier à sa sœur, la fontaine est envenimée ! Vous qui savez les vertus des herbes mieux que personne au monde, ne secourrez-vous pas monseigneur Lancelot ?

Déjà, les jambes du malade étaient aussi grosses que le corps d’un homme. Mais la pucelle cueillait de bonnes herbes. Elle les pila avec le pommeau de l’épée de Lancelot dans la coupe même où il avait bu, et, joignant de la thériaque, elle lui ouvrit la bouche et lui fit avaler du mélange ce qu’elle put. Aussitôt le corps enfla comme un tonneau. Ce que voyant, la demoiselle craignit que le venin ne montât sur le cœur : elle fit couvrir Lancelot de toutes les couvertures, de toutes les robes qu’on put trouver et qu’elle envoya chercher dans une