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LE SIRE BOURRU

tables mises, comme il ne voulait pas être tenu pour un vilain, il ne permit point que sa femme mangeât avec les garçons et lui ordonna de s’asseoir auprès de Sagremor.

Or, au moment qu’on apportait le troisième service, une pucelle entra, tenant deux couronnes de roses qu’elle avait faites au jardin, et elle les offrit à la dame qui posa l’une sur son chef et donna l’autre à son voisin. Aussitôt le sire bourru leva la main et la frappa d’un tel soufflet qu’elle en tomba à la renverse, et que son sang clair lui coula du nez.

— Pute ! s’écria-t-il, voilà le paiement de la honte que vous me faites en mon hôtel. Vous êtes bien osée de vous livrer à vos courtisaneries devant mes yeux !

— Sire, dit Sagremor, vous avez trop mépris de moi, de frapper ainsi cette dame en ma présence ! Et je serais bien mauvais, si je ne la vengeais du soufflet qu’elle a reçu à cause de moi.

À ces mots, haussant le poing qu’il avait gros et carré, il heurte si rudement le seigneur du château au visage, qu’il l’abat près de la table. Les dix sergents, au bruit, se précipitent dans la salle ; mais Gaheriet déjà leur faisait front, tout armé, la hache à la main. Bientôt Sagremor, ayant revêtu en hâte son haubert et son heaume, accourut à la rescousse, et du premier coup il fit voler la tête du seigneur bourru qui se relevait, tout étourdi. Alors les sergents s’enfuirent