Page:Boulenger - Romans de la table ronde III, 1922.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
LE CHÂTEAU AVENTUREUX

fenêtres s’ouvrirent toutes seules, poussées par le vent qui souleva jusqu’au plafond les courtines du lit et fit tourbillonner l’herbe dont la chambre était jonchée ; enfin tout s’illumina d’une clarté si grande qu’on eût cru la maison embrasée ; et soudain une lance au fer violet et vermeil comme la flamme passa par la fenêtre et vola vers le lit, plus bruyante que la foudre. Messire Gauvain sauta sur ses pieds à temps, non si tôt, toutefois, qu’il ne fût durement blessé à l’épaule ; mais, saisissant l’épée sous son chevet, il coupa en deux l’arme qui, après avoir percé le lit d’outre en outre, s’était fichée en terre de plus d’un demi-pied. Après quoi il arracha le fer du sol, le lança au milieu de la chambre et, jetant un manteau sur ses épaules, il courut à la fenêtre ; mais il ne vit personne et vint se recoucher, en grommelant :

— Honni soit, comme couard, qui frappe sans oser se montrer !

La clarté s’était éteinte, mais, à la lueur de la lune qui s’épanchait maintenant par les fenêtres ouvertes, il vit entrer un homme aussi maigre et décoloré qu’un cadavre ; à son cou étaient entrelacées deux couleuvres qui le mordaient, et il portait une harpe tout incrustée d’or et de pierreries. Il prit son plectron et, après avoir accordé son instrument, il commença de chanter un lai en gémissant de douleur ; et messire Gauvain entendit que c’était un lai de pleurs, dont