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LE NAIN

fini et les tables levées ; et il alla cependant s’appuyer à une fenêtre.

Il demeura là quelque temps, rêvant à ce qu’il avait vu, puis il se retourna : il n’y avait plus dans la salle qu’un nain très laid, armé d’un bâton, qui s’écria :

— Quel est ce mauvais chevalier de malheur, appuyé à notre fenêtre ! Allez vous cacher, qu’on ne vous voie ! Mais gardez de vous coucher, cette nuit : les lits qu’on trouve ici sont trop riches pour vous !

Ce disant, le nain haussait son bâton sur monseigneur Gauvain, mais celui-ci, étendant le bras, le lui ôta des mains ; après quoi, il se dirigea vers une chambre voisine où il apercevait un haut lit, et il se mettait en devoir de s’y étendre, lorsque l’affreux petit homme, qui l’avait suivi, reprit :

— Ha, vilain que tu es, tout souillé de péchés, si tu oses te coucher dans ce lit, tu ne risques rien de moins que ta tête !

— En nom Dieu, dit messire Gauvain, tu verras si je ne l’ose !

Là-dessus, il revient dans la salle, prend une épée qui s’y trouvait, la place sous le chevet du lit, puis il se déchausse et se glisse entre les draps, où il s’endort sans tarder, car il avait beaucoup chevauché tout le jour.

Or, environ la minuit, un cri le réveilla, plus hideux que la voix de l’Ennemi ; puis les