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LA DEMOISELLE À LA CUVE

tenta par trois fois de la soulever ; mais il ne put.

— Demoiselle, dit-il, j’ai grand deuil de ne vous avoir point délivrée, mais j’ai fait tout mon pouvoir. Souffrez-vous si fort ?

— Vous le saurez si vous tâtez cette eau où je suis.

Messire Gauvain mit la main dans la cuve, mais il ne l’ôta point si tôt qu’il ne pensât la trouver réduite en charbon, tant l’eau était bouillante.

— Sire chevalier, fit la demoiselle, vous devinez maintenant ce que je sens ; si je pouvais mourir de douleur, j’aurais déjà trépassé ; mais Dieu ne le veut point, car il ne s’est pas encore assez vengé d’un péché que jadis je commis. Seul, le meilleur chevalier du monde me tirera de cette cuve. Mais vous, puisque vous n’avez point accompli cette aventure, vous ne partirez pas d’ici sans honte.

Messire Gauvain, pourtant, continua son chemin et s’en alla droit au palais où il fut très bien accueilli. Son cheval à l’étable et ses armes ôtées, on le revêtit d’une robe d’écarlate, richement fourrée de martres zibelines ; puis on le mena dans la salle, où des chevaliers, tous beaux et bien faits de corps, qui s’y trouvaient, se levèrent pour lui souhaiter la bienvenue ; et il se mit à causer et à s’enjouer avec eux.

À ce moment advint la plus grande merveille que jamais homme ait ouï raconter. Messire