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LE CHÂTEAU AVENTUREUX

mais il tourna la joue, si bien qu’elle n’y put réussir ; néanmoins elle en prit ce qu’elle pouvait, et enfin, n’y pouvant plus tenir, elle se glissa dans le lit toute nue. Mais messire Gauvain se recula un peu.

— Ha, sire, s’écria-t-elle, les gens disent que la fille du roi de Norgalles est grosse d’enfant et que le roi vous hait tant à cause de cela, que jamais il ne vous aimera !

— Belle amie, les gens disent ce qu’ils veulent, et le roi me haïra, à tort, tant qu’il lui plaira. Mais, Dieu m’aide ! je tiens cette demoiselle pour preuse, courtoise, sage et bien élevée, et c’est péché que de calomnier moi et autrui.

— Taisez-vous, sire ! Elle est enceinte de vif enfant ! Son père et sa mère le savent et disent ouvertement que c’est de vous.

— Laissez cela. Si elle est grosse, elle aura un enfant, s’il plaît à Dieu. Mais je vous prie de ne point me faire manquer à Notre Seigneur : vous me honniriez.

— Sire, je meurs, et je ne reverrai jamais le jour, si vous ne m’aimez. Et si vous me méprisez parce que je n’ai point votre croyance, je me ferai chrétienne. D’ailleurs, pour que vous en soyez mieux assuré, je vais me baptiser sur-le-champ.

Là-dessus, elle court chercher un plein hanap d’eau, fait le signe de la croix sur le vase, et le renverse par trois fois sur elle-même, en disant :