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LE CHEVALIER AUX DEUX ÉPÉES

ne réussissiez à réunir les fragments, il pourrait vous en venir grand mal.

Messire Gauvain se mit à genoux et le premier tenta l’aventure, mais sans succès ; et ni ses frères, ni messire Yvain, ni Lionel, ni Hector, ni Sagremor, ni Keu, ni Lucan le bouteiller, ni Giflet, aucun de ses compagnons ne put l’achever mieux que lui. Ce que voyant, le chevalier aux deux épées se mit à pleurer.

— Vous pouvez apercevoir, lui dit Hector des Mares, qu’ils ont bien tort ceux qui nous tiennent pour prud’hommes !

— Prud’hommes, répliqua l’étranger, vous l’êtes ; mais il paraît que vous ne vous êtes pas si bien gardés qu’il eût fallu du péché de la chair. Vous avez entendu conter que Joseph, le gentil chevalier d’Arimathie qui descendit Jésus-Christ de la Sainte Croix, vint jadis en ce pays. Un jour qu’il errait par la forêt de Brocéliande, il rencontra un Sarrasin nommé Matagran. Quand tous deux se furent salués, ils se demandèrent l’un à l’autre de quels pays ils étaient.

« — Je suis d’Arimathie, dit Joseph.

« — D’Arimathie ? et qui t’a conduit ici ?

« — Celui qui connaît la bonne route.

« — Quel est donc ton métier ?

« — Je suis médecin.

« — En ce cas, viens avec moi : tu guériras mon frère, qui est malade depuis plus de six mois.