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LA DAME DE MALEHAUT

Elle se débarrassa de ses gens et de ses demoiselles le plus tôt qu’elle put ; puis, faisant prendre à la pucelle plein poing de chandelles, toutes deux furent à l’étable. Là, elles virent que le cheval du prisonnier était couvert de plaies à la tête, au cou, à la poitrine, aux jambes : il était en si mauvais point qu’il ne voulait pas seulement manger.

— Dieu m’aide ! s’écria la dame, vous semblez bien le cheval d’un prud’homme !

— Dame, dit la pucelle, m’est avis que ce destrier a eu plus de peine que de repos. Et pourtant ce n’est point celui qu’avait votre chevalier quand il partit.

— C’est qu’il en a usé plus d’un. Mais allons regarder ses armes.

Toutes deux furent à la chambre où on les avait rangées : et elles trouvèrent le haubert faussé et coupé sur les épaules et sur les bras, l’écu tout écartelé de coups d’épée et troué de coups de lance, le heaume fendu et décerclé. Enfin elles vinrent à la geôle, et par la porte qui était restée entr’ouverte la dame de Malehaut passa la tête sans bruit.

Lancelot gisait dans son lit. Il avait tiré la couverture dessus sa poitrine, mais, à cause de la chaleur, ses bras étaient dehors, et il dormait profondément. La dame aperçut qu’il avait le visage enflé et tuméfié, le nez et les sourcils écorchés, le col meurtri par les mailles du hau-