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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

ouvrait sur la campagne. La matinée était belle et douce, les bois frémissaient, tout bruissants d’oisillons qui chantaient en leur langage : si bien qu’il eut tout d’abord grande joie, puis il se ressouvint de ses amours et il soupira du tréfonds de son cœur. Son hôtesse lui apprit que le roi et la reine Guenièvre habitaient pour le moment non loin de là, à Camaaloth. Alors il commanda à ses écuyers de l’attendre et, dès l’aube, il chevaucha vers la cité.

Sachez que le roi Artus avait toujours ses châteaux au bord de quelque rivière. Et voici qu’en arrivant à la lisière de la ville, Lancelot vit une maison forte, tout entourée d’eau, et, à une fenêtre, une dame en chemise et surcot qui prenait le frais, en compagnie d’une demoiselle : la pucelle avait ses tresses sur les épaules, mais la dame était enveloppée dans son voile, et elle contemplait les prés et les bois. Il se prit à la considérer avec tant d’attention qu’il n’entendit pas un chevalier qui passait lui demander ce qu’il regardait. Celui-ci répéta sa question en le poussant rudement.

— Sire chevalier, je regarde ce qu’il me plaît, et vous n’êtes point courtois de me jeter ainsi hors de mes pensées.

— Ce sont les diables d’enfer qui vous font ainsi contempler les dames, et vous y semblez plus hardi qu’aux armes ! Suivez-moi, si vous l’osez !