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KEU ET LA PUCELLE

paraît pas désirer beaucoup de prendre ce qu’il a gagné.

— Non, mais nul ne fait d’aussi grandes folies que le sage quand il s’y met. Je vais me coucher, mais n’oubliez pas ce dont nous avons convenu, car autrement vous me laisseriez honnir.

Ainsi parlèrent les deux sœurs et ce fut assez avant dans la nuit que le sénéchal se réveilla. La pucelle à la harpe lui donna à boire, puis elle lui fit traverser deux chambres toutes peintes de bêtes, d’oiseaux et de poissons nageant, et dans la troisième elle lui montra un haut lit.

— Demoiselle, dit Keu en riant, le lit est l’un des plus riches que j’aie vus depuis longtemps, mais tenez-moi la promesse faite, car je ne veux point que l’aventure soit par moi diminuée pour les autres chevaliers errants.

— Sire chevalier, sachez que vous êtes le premier qui ait conquis le gîte et la demoiselle, et l’aventure est désormais achevée. Ceux qui passeront pourront être hébergés ici, mais la dame de céans ne sera plus tenue à rien envers eux.

— J’ai donc fait un plus riche gain encore que je ne pensais !

Là-dessus la pucelle le conduisit dans une autre chambre très bien ornée, où il vit dans un lit la plus blanche et la plus avenante des pucelles, qui paraissait dormir.