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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

Keu vint tout d’abord à la flamme, où il sécha sa robe et se chauffa ; puis il s’assit au souper. À son côté était une demoiselle qui semblait belle, mais qui était si bien enveloppée dans un voile qu’on ne lui voyait guère d’autre peau que celle des paupières. D’ailleurs il avait un grand besoin de manger et de boire, et il lui souvenait plus de sa rude journée que de son droit sur elle.

À la fin du souper, la pucelle qui l’avait accueilli se mit à chanter des chansons nouvelles, en s’accompagnant de la harpe, si doucement que c’était merveille de l’ouïr :

 
Hélas ! le mal d’aimer
M’occit !
Il me fait désirer…
Hélas ! le mal d’aimer
Par un doux regarder
Me prit !
Hélas ! le mal d’aimer
M’occit !

Mais Keu sentit qu’il se refroidissait pour ce que sa robe n’était pas sèche : alors, il s’assit près de la cheminée, sur la jonchée, le dos et l’épaule tournés au feu, et se chauffa si bien qu’il s’endormit comme celui qui avait souffert tout le jour de la pluie et du vent.

— Belle sœur Aélis, dit alors la pucelle à la harpe à la demoiselle voilée, ce chevalier ne