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LA MAUVAISE COUTUME

— Sire, tous les chevaliers errants qui veulent être accueillis en cette maison doivent auparavant combattre : telle est la coutume. Et, s’ils sont outrés par le champion qui est céans, ils doivent se rendre en notre prison ; mais, s’ils sont vainqueurs, savez-vous ce qu’ils gagnent ? Non seulement d’être hébergés ici, mais d’avoir ma demoiselle à leur plaisir et d’en faire leur volonté comme de leur bonne amie jusqu’au matin.

— C’est là, fit Keu, une mauvaise coutume.

— Sire, je n’en puis mais. Combattrez-vous ?

Keu répondit qu’il acceptait, pour ce qu’il ne savait à cette heure où aller. Aussitôt le pont s’abaissa, la porte fut lui ouverte, et des valets vinrent l’aider à descendre ; puis la pucelle le prit par la main et le conduisit dans une vaste chambre où brillaient tant de torches, de chandelles et de cierges qu’il semblait vraiment que toutes les étoiles errantes aux cieux y rendissent leur clarté. À peine entré là, un grand et fort chevalier lui courut sus, l’épée à la main ; mais le sénéchal fit tant d’armes qu’il força son adversaire à crier merci. Alors la pucelle vint le prendre par la main, et tandis que les valets emportaient le blessé, elle le désarma et lui passa au col un riche manteau ; enfin elle le mena dans la salle où un bon feu flambait dans la cheminée et où les tables étaient dressées.