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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

et d’aller à la rencontre du roi. Il se fait ouvrir la porte, il sort, voit la reine, et tout soudain tombe en extase : les yeux fixés sur elle, il fait reculer son cheval jusque sous la voûte sans même s’en apercevoir. Le guetteur, croyant bien faire, laisse aussitôt tomber la herse ; et le blanc chevalier demeure là, hors de sens, à contempler à travers les barreaux celle qui fut toujours la fleur de toutes les dames.

— Sire, s’écrie Keu courroucé, vous agissez comme un vilain !

Mais le blanc chevalier ne l’entend même point. Alors Saraide, la pucelle de la Dame du Lac, le secoue par le pan de son manteau, et tant qu’il revient en son droit sens.

— Sire, demande-t-il à Keu, que dites-vous ?

— Je dis que vous offensez mon seigneur et ma dame de leur fermer la porte au nez, et moi de ne pas seulement me répondre !

À ces mots, le blanc chevalier fut tellement dolent que pour un peu il fût devenu fou. Il tire son épée, crie au guetteur en jurant :

— Ne t’ai-je pas commandé de laisser entrer madame la reine ?

— Sire, jamais vous ne m’en avez parlé.

— Si tu n’étais si vieux, je te couperais la tête ! Ouvre, et ne t’avise plus de clore cette porte.

Ayant dit, il se sauve au galop vers le château.