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LE GUÉ DE LA REINE

terre de Nohant. Comme il faisait grand chaud, il mit pied à terre pour boire ; après quoi, il s’assit au bord de l’eau, à l’ombre d’un arbre, et se prit à rêver.

Tout à coup, un chevalier couvert d’armes noires parut sur l’autre rive, qui poussa son cheval dans le gué et fit jaillir l’eau jusque sur lui.

— Sire, dit le blanc chevalier en se levant, vous m’avez mouillé, et, pis encore, vous m’avez fait perdre le fil de ma songerie.

— Peu me chaut de vous et de votre penser !

Sans répondre, le blanc chevalier enfourcha son destrier et se mit en devoir de franchir le gué, qui était si bon que l’eau ne mouillait pas le ventre du cheval.

— Sire vassal, vous ne passerez pas, dit l’autre. Madame la reine m’a commandé de garder ce gué.

Aussitôt, le blanc chevalier de tourner bride et de regagner la rive. Mais le chevalier noir le joignit et saisit son destrier par le frein.

— Il faut me laisser votre cheval.

— Pourquoi ?

— Parce que vous êtes entré dans le gué.

Déjà le blanc chevalier avait déchaussé l’un de ses étriers, lorsqu’il hésita.

— Est-ce de par la reine, femme du roi Artus, que vous me faites ce commandement ?