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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

tous pays et il trouva maintes aventures, mais il ne put avoir nouvelles de son ami. Enfin, il passa en Sorelois, où il apprit tout ce qui était arrivé : comment Lancelot l’avait attendu, puis comment son esprit s’était dérangé et comment on avait trouvé son lit vide et plein de sang ; et il ne douta plus que son compagnon ne se fût occis.

Alors il commença de se chagriner et désespérer si fort qu’il ne voulait plus boire ni manger. Il avait fait placer devant ses yeux un vieil écu de Lancelot qu’il avait retrouvé et qui, seul, lui apportait un peu de réconfort. Onze jours et onze nuits, il jeûna. Les gens de religion qui venaient le voir le semoncèrent et lui dirent que, s’il mourait de cette manière, son âme serait perdue et damnée ; il consentit alors à prendre quelque nourriture ; mais il était trop tard. D’ailleurs, une mauvaise blessure qu’il avait reçue en quêtant Lancelot se rouvrit et toute la chair pourrit alentour. Enfin le corps lui sécha. Il languit ainsi du jour de la Madeleine à la première quinzaine de septembre, faisant de grandes aumônes ; puis il trépassa comme le plus prud’homme qui fût.

Son neveu Galehaudin fut revêtu de sa terre et reçut les hommages de ses barons. Et le deuil de tous ses amis fut grand, mais en comparaison de celui que fit la dame de Malehaut, qui l’avait rejoint en Sorelois durant sa maladie, tous les