Page:Boulenger - Romans de la table ronde II, 1923.djvu/258

Cette page a été validée par deux contributeurs.
248
GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

Lancelot le reconnut à son écu et l’appela. Tous deux coururent l’un à l’autre, l’épée à la main : Karadoc frappa le premier et son fer entra bien dans le heaume de deux doigts, de manière qu’il ne put le retirer ; mais Lancelot riposta si rudement que le nasal fut tranché, et son ennemi ne fut point blessé, parce que le coup ne vint pas droit, mais il demeura étourdi et son cheval l’emporta.

Lancelot piqua des deux derrière lui, l’épée toujours plantée dans son heaume, et l’appelant mauvais couard. Mais Karadoc revenu à lui continuait de fuir ; même, il avait jeté son écu sur son dos pour se protéger des grands coups que l’autre lui donnait quand il pouvait, et qui l’abattaient parfois sur le cou de son destrier. Néanmoins il gagnait vers son château : de sorte que Lancelot, craignant de le perdre à la fin, remit son épée au fourreau et brocha tant des éperons que le sang ruissela sur les flancs de son cheval : grâce à quoi il accosta le fuyard, le saisit à deux mains par son écu qui tomba, puis par le col, et le tira tant à lui qu’il le coucha sur la croupe ; mais Karadoc, grand et vigoureux comme il était, banda toutes ses forces par peur de la mort, et il se redressa sur son séant si roidement qu’il entraîna Lancelot hors des arçons et le fit voler sur la croupe de son propre destrier. Et, enlacés de la sorte, tous deux entrèrent au galop par la porte du châ-