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LA VERMINE EMPOISONNÉE

— Messire Gauvain, je suis une demoiselle qui vous aidera de tout son pouvoir.

— Demoiselle, ces serpents et la vermine qui sont céans m’ôtent le boire et le manger, le dormir et le reposer. Ils m’attaquent sans cesse et je n’ai de quoi me défendre, car j’ai brisé le bâton qu’on m’a donné pour les tuer, et ils ont si fort envenimé mes plaies que j’en ai le corps tout enflé.

Ainsi parlait-il, parce qu’il ignorait que la vieille déloyale avait enduit de poison les blessures que Karadoc lui avait faites.

La demoiselle s’en fut dans la tour où elle logeait. Elle prit ce qu’il faut de farine de seigle pour le pain que pourraient manger dix chevaliers à un dîner ; elle la pétrit avec le suc de l’herbe serpentine et de cinq autres herbes de grande vertu ; puis elle mit ce gâteau à cuire, et enfin à tremper dans du lait de chèvre ; après quoi elle vint le jeter dans le cachot de monseigneur Gauvain.

La vermine, qui sentit l’odeur du pain chaud et du lait, se précipita pour dévorer cette pâture. Mais, sitôt qu’elle l’eut mangée, elle s’échauffa, puis refroidit, et creva toute. D’où vint une si horrible puanteur que messire Gauvain crut que le cœur allait lui sortir du ventre. Alors la demoiselle courut prendre une boîte d’un très bon onguent qu’elle lui tendit au bout d’une perche, et dès qu’il en eut oint ses plaies, la