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LE VAL SANS RETOUR

attendrai ici jusqu’à demain, et si je n’ai alors de vos nouvelles, je pourrai bien m’en aller.

— Tu m’auras assez attendu, si tu m’attends durant ce temps.

Là-dessus, Galessin recommanda l’écuyer à Dieu et entra dans le Val, qui était clos d’un mur d’air. Et le conte dit comment ; écoutez :

Le roi Artus avait une sœur nommée Morgane qui avait appris de Merlin tant de tours et d’enchantements qu’une foule de gens, dont beaucoup de fous, l’appelaient Morgane la fée, ou même la déesse. Elle aima un chevalier nommé Guyomar, cousin de la reine Guenièvre ; et celle-ci leur faisait souvent des remontrances. Un jour, elle les prit sur le fait et bannit son cousin : de là vint la grande haine que Morgane eut toujours pour la reine. Elle s’enfuit à son tour et rejoignit Guyomar ; mais il s’était épris d’une demoiselle de grande beauté. Maintes fois, Morgane s’efforça de les surprendre, car elle savait la vérité comme on la peut savoir par ouï-dire. Elle les guetta tant, la nuit et le jour, qu’à la fin elle les découvrit dans ce val qui était l’un des plus beaux du monde. Et à cause du grand chagrin qu’elle eut, elle les y enferma dans une muraille d’air et elle condamna la demoiselle à sentir toujours un froid de glace de la tête à la taille et une chaleur torride de la taille aux pieds ; puis elle fit un enchantement tel qu’aucun chevalier ne pût sortir du val après y avoir