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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

rencontre dans la cour, et il fut ébahi en l’apercevant, car il crut voir la reine elle-même.

Sachez, en effet, que le roi Léodagan était père de cette fausse Guenièvre qu’il avait eue de la femme de son sénéchal, comme il l’était de la vraie, et la ressemblance de ses deux filles était si merveilleuse que, lorsqu’elles avaient toutes deux la même parure, on ne les pouvait distinguer l’une de l’autre. Au temps du mariage de la vraie Guenièvre, sa demi-sœur avait tenté de lui faire justement la même trahison dont elle l’accusait, et ce par le conseil de Bertolai ; mais elle en fut empêchée par Merlin l’enchanteur, sans que personne s’en doutât.

— Sire, dit-elle au roi, maintenant je vous ai en ma prison et vous n’en sortirez jamais que vous ne m’ayez rendu mon droit.

Là-dessus, elle commanda qu’on servît à souper et il ne faut pas demander si le roi fut honoré. Mais il était si déconforté qu’il ne voulut presque pas manger, jusqu’à ce que la dame lui eût offert d’un breuvage qu’elle et Bertolai avaient préparé. Il en but, et aussitôt il devint enjoué autant qu’il avait été triste. Alors la fausse Guenièvre pensa qu’elle aurait beaucoup gagné si elle pouvait faire, par ce philtre et par elle-même, que le roi l’aimât d’amour.

Quand il fut temps de se coucher, on mena le roi dans une chambre où un lit était préparé,