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MÉLÉAGANT L’ORGUEILLEUX

sa terre en baillie, il était à la cour, où il était venu pour voir Lancelot dont il avait ouï dire merveilles ; mais il n’imaginait pas qu’il pût exister un champion meilleur que lui-même ; aussi déclara-t-il à son père que Lancelot n’avait pas le corps et les membres faits de sorte à être plus preux que lui.

— Beau fils, répondit le roi en hochant la tête, par la foi que je dois à Dieu, ce n’est pas la grandeur du corps, mais celle du cœur, qui fait le bon chevalier ! Et si tu es plus fort que Lancelot, il est plus prisé que toi : en toute la terre du roi Artus, il n’est personne qui puisse rivaliser avec lui.

— Je ne suis pas moins prisé d’armes en mon pays que lui dans le sien. Et, si ce n’était de vous, on me connaîtrait depuis longtemps par le monde. Mais vous ne m’avez jamais laissé faire ce que je désirais, et par vous j’ai plus perdu de renommée que je n’en ai gagné.

— Si tu es prisé dans ton pays, c’est toute la gloire que tu as ; au dehors tu n’en as point, tandis que la sienne court par le siècle.

— Puisqu’il est de si grand prix, que ne vient-il en votre terre délivrer les exilés bretons ?

— Il a de plus grandes choses à accomplir ; et celle-là pourrait bien advenir un jour.

— Dieu ne m’aide, s’il les délivre, moi vivant !