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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

mode pour la chasse : si bien que c’était là le plus agréable séjour.

— Beau compagnon, dit Galehaut, si vous saviez à quel dessein j’entrepris de bâtir ce fort château, vous me croiriez fol. J’y fis faire trente créneaux à la maîtresse tour parce que je comptais conquérir autant de royaumes. J’en eusse fait venir les trente rois ici, et j’eusse tenu une cour grande et magnifique comme il appartenait à ma hautesse. Et, au sommet de chaque créneau, j’eusse fait placer, sur un candélabre d’argent de la taille d’un homme, la couronne du roi conquis ; et la mienne au-dessus de toutes, au faîte de la tour. Puis, la nuit, on eût planté sur les candélabres des cierges assez gros pour qu’aucun vent ne les pût éteindre, et le mien eût brillé sur tous les autres. Depuis que le château a été achevé, pour triste que j’y sois entré, jamais je n’en suis sorti que joyeux ; c’est pourquoi je m’y rends à présent, car j’ai grand besoin de réconfort.

« Sire Dieu, pensait Lancelot en l’écoutant, comme il me devrait haïr, qui l’ai empêché de faire tout cela ! » Et les larmes lui coulaient des yeux sous son heaume ; mais il prenait garde que Galehaut ne s’en aperçût.

Cependant, ils arrivaient à un trait d’arc des fossés. Alors advint une merveilleuse aventure : car les murs soudain tremblèrent et ondulèrent comme une étoffe sous le vent ; puis ils