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L’ORGUEILLEUSE EMPRISE

orgueilleuse bataille qu’on puisse imaginer ; et tandis qu’ils combattaient ainsi, un grand léopard survint, qui se mit à les regarder. Au bout d’un moment, le couronné eut le dessous, car l’autre était de trop grand pouvoir ; aussitôt le léopard alla le protéger et le sans-couronne n’osa plus l’attaquer. Et quand le couronné eut repris son souffle, le léopard se retira et la mêlée des deux lions recommença. Et à nouveau le couronné fut déconfit, le léopard intervint et le sans-couronne se tint coi. Puis, quand le léopard s’approcha de lui, il vint à sa rencontre à grande joie. Alors le léopard fit la paix des deux lions ; après quoi il s’en fut avec le sans-couronne ; mais enfin il le quitta : dont celui-ci demeura si triste qu’il en prit la mort. Si par clergie on peut connaître le sens de ce rêve, je m’en enquerrai.

— Beau très doux ami, dit Lancelot, vous êtes trop sage homme pour croire aux songes.

À ce moment, les deux compagnons arrivaient en vue d’un fort château que Galehaut avait fait nouvellement construire et qu’il avait lui-même nommé l’Orgueilleuse Emprise, tant il était fier et beau. Et, tout autour de la roche sur laquelle il était assis, coulait une eau large et profonde, fréquentée par beaucoup d’oiseaux de marais et où l’on prenait autant de saumons qu’on voulait ; puis la forêt s’étendait non loin, abondante en bêtes rousses et com-