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PRISE DE LA ROCHE AUX SAINES

n’était pas encore assez bien guéri. Enfin, un matin que l’on criait par toute l’armée : « Or, tôt aux armes, seigneurs barons ! On verra qui preux sera ! », elle le vit si dolent et si triste, qu’elle commanda en soupirant d’apporter les meilleures armes qu’on pourrait trouver. Et elle voulut lacer elle-même le heaume de son ami, mais auparavant elle le baisa tendrement, en le recommandant à Celui qui fut mis en croix.

La mêlée était déjà commencée quand Lancelot parut. Lionel portait à côté de lui le pennon de la reine, qui était d’azur à trois couronnes d’or et une seule aigle.

— Seigneurs, cria messire Yvain en les voyant venir, voici le pennon de madame !

Tel un lion qui saute entre les biches, non pour grande faim qu’il ait, mais pour montrer sa force et sa vitesse : tel Lancelot entre les Saines ; il ne semblait pas un homme, mais la vengeance de Dieu. Messire Yvain et tous les autres éperonnaient derrière lui. « C’est folie que d’attendre un tel chevalier », pensèrent les païens lorsqu’ils virent les merveilles qu’il faisait ; et, en s’enfuyant vers le château, ils se pressèrent tant sur la chaussée qu’il s’en noya bien vingt dans les fossés. Lancelot, suivi des gens du roi Artus, pénétra dans la forteresse mêlé aux fuyards, et tout d’abord il courut à la chambre de Camille. Elle était couchée auprès de son ami, Gadraso-