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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

loisir ! Il n’y a ici que de vrais excommuniés ! Certes, ils n’ont cure de conseiller un franc homme !

En le voyant si courroucé, le vieux chevalier se mit à rire et lui demanda qui il était.

— Hector des Mares, chevalier de la reine, femme du roi Artus de Logres.

Aussitôt le vieillard se leva devant lui et lui souhaita la bienvenue, puis il le fit désarmer et couvrir d’un riche manteau.

— Hector, lui dit-il, vous avez vu que cette cité est forte : aussi maints barons l’ont-ils désirée. Le roi Belinan de Norgalles, le duc Escan de Cambenic et beaucoup d’autres ont tenté de la prendre, et à cette heure Marganor, le sénéchal du roi des Cent Chevaliers, me fait rude guerre. Ainsi, du jour que j’ai été chevalier, il m’a fallu me défendre et je n’ai pas cessé de guerroyer toute ma vie. Las ! me voilà tout vieux et je n’ai d’autre enfant qu’une fille belle et sage ; aussi ne la veux-je donner qu’à un chevalier de grande richesse et de grande prouesse, qui soit capable de maintenir ma terre. Il y a trois ans, les bourgeois sont venus me dire que je tardais trop à la marier, et qu’ils déguerpiraient de ma cité, si je ne leur faisais serment de garder ici une nuit et une matinée tous les chevaliers errants qui passeraient : ils pensent que je pourrai de la sorte faire épouser ma fille par quelque prud’homme et en avoir un héritier.