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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

dont il venait d’occire le cheval. Alors il se jeta sur lui et il l’empoignait déjà, prêt à l’écraser, lorsque le petit bossu, qui avait nom Groadain, se mit à crier :

— Ha ! ma mère me l’avait bien dit, que je mourrais de la main du pire homme du monde !

— Certes, vous êtes mort, répliqua messire Gauvain, si vous ne me dites pourquoi le chevalier riait et pleurait sur la fontaine, et pourquoi il a changé d’écu, et pourquoi vous l’avez battu et emmené sans qu’il se défendît.

— Je te le dirai pourvu que tu m’octroies un don : c’est de combattre le chevalier que je te désignerai.

Messire Gauvain ayant juré, le nain parla à la pucelle au miroir, qui sortit et revint bientôt, accompagnée du chevalier de la fontaine, jeune, blond et beau, quoiqu’il eût le visage tout meurtri, tant les mailles de son haubert lui avaient gâté la peau sous les coups de bâton du nain.

— Sache que ce chevalier a nom Hector des Mares et que cette pucelle est ma nièce et pupille, et que tous deux s’aiment plus que leur vie. Or, Hector voudrait combattre Ségurade, qui est de si grande prouesse qu’on l’a surnommé le chevalier Fée, car si nul ne vainc Ségurade avant la fin de l’année, il pourra prendre pour femme la dame de Roestoc, qui le déteste ; mais elle a dû s’accorder à cela avec lui. Ma nièce, cependant, tant elle redoute le péril pour son