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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

du monde. Pour Dieu, ayez merci de lui, qui vous aime plus que lui-même !

— Mais que puis-je ? Il ne me demande rien.

— Dame, c’est qu’il n’ose : on tremble quand on aime. Je vous prie donc en son nom de lui octroyer votre amour, de le prendre pour votre chevalier et de devenir sa dame à toujours ; ainsi vous le ferez plus riche que si vous lui donniez le monde. Et scellez votre promesse d’un baiser, devant moi, en témoignage d’amour vrai.

— Je le lui donnerais aussi volontiers qu’il le recevrait ; mais ce n’est point l’heure ni le lieu. Mes demoiselles doivent s’étonner déjà que nous en ayons tant fait, et il ne se pourrait qu’elles ne nous vissent.

Lancelot était si heureux et si ému, qu’il ne put répondre que : « Ha, dame, grand merci ! » Mais Galehaut reprit :

— Promenons-nous tous trois, comme si nous causions.

— Je ne m’en ferai pas prier, dit la reine.

Alors ils s’éloignèrent ensemble, feignant de s’entretenir. Et la reine, voyant que Lancelot n’osait rien faire, le prit par le menton et, devant Galehaut, elle le baisa assez longuement. Si bien que la dame de Malehaut la vit.

— Beau doux ami, dit la reine, je suis vôtre et j’en ai grande joie. Mais gardez que la