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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

— Dame, je n’aime ni moi, ni autrui autant que vous.

— Et depuis quand m’aimez-vous ?

— Dès l’heure que je vous vis.

— Mais d’où vous vint cet amour ?

À ce moment, la dame de Malehaut toussa et écarta son voile. Lancelot reconnut sa voix, puis son visage, et soudain il éprouva tant d’inquiétude que ses yeux se mouillèrent d’angoisse. La reine, surprise, aperçut qu’il regardait ses demoiselles ; mais elle répéta sa question sans en faire semblant. Et, prenant sur lui pour parler, il répondit :

— Dame, c’est vous qui me fîtes votre ami, si votre bouche ne mentit. Le jour que je pris congé de vous, je vous dis que je serais votre chevalier où que je fusse, et vous me répondîtes que vous le vouliez bien. Et je vous dis encore : Adieu, dame ! Et vous répliquâtes : Adieu, beau doux ami ! Et jamais plus ce mot ne m’est sorti du cœur. C’est lui qui me rendra prud’homme, si je le suis jamais. Il m’a garanti de tous maux. Il m’a sauvé de tous les périls. Il m’a rassasié lorsque j’avais faim. Il m’a fait riche en ma pauvreté.

— Ma foi, Dieu soit béni de me l’avoir fait dire ! Mais je ne lui donnais pas tant d’importance et je l’ai dit à maint chevalier sans y songer. S’il vous fait prud’homme, c’est que vous n’avez point le cœur d’un vilain. Pourtant