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MERLIN L’ENCHANTEUR

montèrent à cheval avec Ulfin et partirent secrètement pour Tintagel.

Peu avant d’arriver au château, Merlin s’arrêta et descendit de son palefroi. Après avoir un peu cherché, il cueillit une herbe et dit à Ulfin de s’en frotter le visage et les mains. Tout aussitôt celui-ci prit la semblance de Jourdain, l’un des plus fidèles serviteurs du duc. Le roi s’émerveilla fort ; mais, s’étant oint de cette herbe à son tour, il devint tout pareil au duc lui-même, tandis que Merlin prenait la figure de Bretel. Ainsi faits, ils se présentèrent devant la porte du château, où le guetteur, qui les reconnut bien tous trois, les fit entrer. Il était nuit : le faux duc se rendit à la chambre d’Ygerne qui était déjà couchée. Là, ses deux compagnons le dévêtirent, et la duchesse lui fit bel accueil, croyant que ce fut son mari qu’elle aimait fort : et ainsi fut engendré le bon seigneur qu’on appela Artus.

Au matin, tous trois s’en partirent comme ils étaient venus, et Merlin les fit laver et se lava lui-même dans une rivière où ils reprirent leurs apparences naturelles. Ensuite, il dit au roi :

— Sire, je vous ai fait avoir ce que je vous avais promis ; à vous maintenant d’exécuter votre serment. Sachez que vous avez engendré un fils en Ygerne ; je veux que vous me le donniez.

— Je ferai tout, dit le roi, ainsi que je m’y suis engagé.