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LE GENTIL HOMME

de rester auprès d’eux, au Lac, avec Lambègue, mais de ne jamais tenter de savoir qui elle était. Puis, quand on fut sur le retour, prenant Lancelot à part :

— Beau Trouvé, lui dit-elle, comment eûtes vous la hardiesse d’appeler Lionel : cousin ?

— Dame, répondit Lancelot tout honteux, le mot me vint à la bouche par hasard, et je l’ai prononcé sans y prêter attention.

— Mais dites-moi : qui donc croyez-vous qui soit meilleur gentilhomme, de vous ou de lui ?

— Je ne sais si je suis gentilhomme de naissance ; mais, par la foi que je vous dois, je ne daignerais pas m’émouvoir de ce dont je l’ai vu pleurer ! Si d’un homme et d’une femme est issue toute la race humaine, je ne vois qu’une noblesse : c’est celle que l’on conquiert par prouesse. Et si le grand cœur faisait les gentilshommes, je croirais être l’un des mieux nés.

— Beau fils, on le verra. Mais croyez que ce n’est que le défaut de cœur qui pourrait vous faire perdre votre noblesse.

— Soyez bénie de Dieu, Dame, pour me l’avoir dit, car je ne souhaitais rien de plus que d’être gentilhomme.

Par de telles paroles, Lancelot ravissait le cœur de sa Dame, et, si n’eût été le grand désir qu’elle avait de son bien, rien ne l’eût peinée davantage que de le voir grandir et approcher du temps où il deviendrait chevalier et où il lui