Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
MERLIN L’ENCHANTEUR

de si prud’hommes que vous êtes. Pourtant, si vous voulez me quitter, je le dois souffrir.

— Beau sire, dirent-ils, il nous faut regagner nos royaumes.

Et les deux rois s’en furent, bien dolents de le laisser. Merlin, qui les aimait chèrement, voulut leur faire conduite, et c’est ainsi qu’au soir de leur premier jour de voyage, ils arrivèrent de compagnie devant un château, le plus fort et le mieux fait qu’ils eussent encore vu. Il était tout entouré de larges marais et muni de deux paires de murs bien crénelés ; le donjon en était si haut qu’à peine d’un trait d’arc en eût-on pu atteindre la cime, et il n’avait qu’une seule entrée où l’on parvenait en suivant une longue et étroite chaussée. Celle-ci aboutissait, du côté de la terre ferme, à un petit pré où se dressait un immense pin, lequel portait, pendu par une chaîne d’argent à l’une de ses basses branches, un cor d’ivoire plus blanc que neige nouvelle.

— C’est le château des Mares, dit Merlin, qui appartient à un chevalier preux et de grand renom : Agravadain.

— Par ma foi, dit le roi Bohor, voilà un homme bien logé ! Je coucherais volontiers chez lui.

Et, saisissant le cor, il y souffla comme un homme de bonne haleine, si fort que malgré la distance le son courut sur l’eau, et d’écho en