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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

qu’il fut, mais s’y oppose parfaitement. « La chronique, constate Emerson, nous apprend quels furent sa parenté, sa naissance, son lieu de naissance, son éducation, ses camarades, l’argent qu’il a gagné, son mariage, la publication de ses livres, sa célébrité, sa mort, et quand nous sommes au bout de ce commérage, aucun rapport n’apparaît entre tout cela et ce fils de la déesse : si nous avions plongé dans le Plutarque moderne et si nous avions lu n’importe quelle autre vie, il semble qu’elle se rapporterait aussi bien aux poèmes. »

Bref, la contrariété de cette vie et de l’œuvre est telle qu’il paraît, au premier abord, aussi impossible d’admettre que ce plat Shakespeare soit l’auteur du théâtre que de supposer, en dépit de la tradition, qu’il ne l’est pas. Je m’efforcerai de l’exposer en termes modérés parce que l’on éprouve fortement, quand on vient de lire certains ouvrages « baconiens » ou « rutlandiens », que l’antithèse est une forme de rhétorique que peu de personnes ont su manier avec agrément en dehors de Victor Hugo.

Pour connaître la vie de William Shakespeare, il ne suffit pas de lire d’un œil distrait ses biographies, il faut les étudier de près. Quand on achève l’ouvrage classique de M. Sidney Lee, par exemple — qui est le principal champion de l’opinion traditionnelle et, si l’on peut dire, le pape des « stratfordiens » — on en garde l’impression que cet écrivain dont il parle est