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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

laisse pas de nuire à son argumentation… Puis, de quel droit aussi Mme de Chambrun, née Longworth, tranche-t-elle sur ce ton définitif et magistral ?

Écoutez-la. La thèse de M. Lefranc, affirme-t-elle, n’est qu’une « compilation de tous les arguments qui ont déjà servi à d’autres » ; elle ne « se différencie » que fort peu de celle des critiques qui ont admis que le véritable auteur des œuvres shakespeariennes est Bacon, Rutland ou quelque tertium quid. — Pourtant, je ne crois pas m’avancer beaucoup en disant qu’en dehors du quart du premier volume, consacré à établir du mieux possible que l’acteur Shakespeare ne saurait être l’auteur de l’œuvre publiée sous son nom, il n’est pas, pour ainsi dire, un seul argument dans l’ouvrage de M. Lefranc qu’ait pu utiliser un de ses prédécesseurs, et pour cette raison péremptoire que son dessein est différent, voire opposé : comment les mêmes considérations pourraient-elles servir à montrer que l’auteur des pièces shakespeariennes est Bacon, Rutland, un tertium quid ou lord Derby ?

Il suffit au reste d’ouvrir le livre pour s’en convaincre. Mme de Chambrun l’a ouvert et même étudié, puisqu’elle le discute, et pourtant elle déclare que c’est par « pure intuition » que M. Lefranc désigne William Stanley — en 650 pages… Ah ! comme elle exagère ! Elle ajoute que le professeur au Collège de France « feint d’ignorer » une « masse de documents  » (masse mystérieuse) ; qu’il s’est « uniquement documenté dans des plaidoiries de parti pris » ; que, « pour relever ses inexactitudes, il faudrait écrire autant de pages qu’en contient son livre »…