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RÉPONSE À DES OBJECTIONS.

grossier, puisqu’il a composé ce théâtre fameux et beau. » — Autrement dit : Je ne crois pas que Shakespeare n’ait pas pu composer son théâtre parce que je crois que son théâtre est de lui. Et M. André Beaunier pourrait aussi bien écrire : Je ne crois pas qu’Ossian n’ait pas pu composer les poèmes publiés par Mac Pherson parce que je crois que ces poèmes sont de lui. C’est là un credo auquel il n’y a rien à répondre.

Pourtant, on ne vous dit pas si vaguement que l’acteur Shakespeare était trop ignorant et grossier pour écrire ses pièces : on vous fait observer (notamment) qu’il quitta Stratford en 1587 probablement ou au plus tôt en 1585 ; qu’il ne pouvait savoir à cette époque que ce qu’il avait appris dans son école de village, qui n’était pas des meilleures et où il était allé durant cinq ou six ans, moins de temps que les autres jeunes rustres ; qu’ensuite il devint valet d’acteurs ou quelque chose d’approchant ; que pourtant sa première pièce, composée au plus tard trois ou cinq ans après son départ de Stratford, est pleine d’allusions aux intrigues secrètes de la cour de Navarre, la deuxième tirée d’un poème espagnol dont la première traduction anglaise est de 1598, la troisième des Ménechmes de Plaute, traduits seulement en 1595 ; qu’au reste l’auteur des pièces shakespeariennes savait parfaitement le français, suffisamment le latin et l’espagnol, et l’italien, et la langue de la basoche. On vous allègue là des faits. « Rien n’est plus méprisable qu’un fait », disait un jour Royer-Collard. Discutez les faits relatifs à Shakespeare si