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EXPOSÉ.

quelques autres. Le propre beau-père de William Stanley, lord Oxford, par exemple, qui passa pour le meilleur acteur comique de son temps, fut également un excellent dramaturge, paraît-il ; néanmoins nous ne connaissons pas une ligne de ses œuvres. Et à qui pense Greene, quand il parle de ces écrivains amateurs qui, pour ménager leur situation et leur apparente gravité, s’en vont « chercher un autre Batillus pour inscrire son nom en tête de leurs vers» ? Si nous songeons à ce dandysme du temps d’Élisabeth, nous concevrons mieux que le comte de Derby soit demeuré anonyme comme son beau-père, le comte d’Oxford.

D’ailleurs, pourquoi n’accorderions-nous pas un certain rôle à Shakespeare de Stratford dans la composition des pièces ? Ben Jonson tenait des camarades de Shakespeare que celui-ci, quoi qu’il écrivît, n’effaçait jamais une ligne, et pour moi, cela ne se peut concevoir que si les manuscrits qu’ont vus les acteurs n’étaient que des mises au net. Mais c’est bien vainement que M. Célestin Demblon s’efforce d’établir que Shakespeare était illettré. Ses signatures sont d’un pauvre d’esprit, mais défions-nous des graphologues. Greene l’accusait en 1591 de « se croire aussi habile à gonfler un vers blanc » que quiconque, et en 1613 lord Rutland lui demandait quelques vers probablement ou quelques phrases pour sa devise : c’est donc qu’il était capable de les faire. L’amateur génial dont il était sans doute le prête-nom se désintéressait fort de ces pièces qu’il écrivait par passe-temps et ne publiait même pas. Si certains des drames ont été