Page:Boulenger - L'affaire Shakespeare, 1919.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
34
L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

lant, elle aurait pu devenir grand’mère avant de mourir, et c’est ce que vous deviendrez, car un cœur léger vit longtemps.


Et maintenant écoutez la belle et véridique histoire de celle qui mourut d’amour, telle que nous la conte dans ses Mémoires la reine Margot.

Mme de Tournon, qui était dame d’honneur de cette reine, avait deux filles. L’aînée, mariée à M. de Balançon, gentilhomme de Bourgogne, obtint de garder sa sœur Hélène auprès d’elle pour lui tenir compagnie en ce pays où elle était éloignée de tous ses parents. Dans la même maison vivait le frère de M. de Balançon, qui devint amoureux de la jeune fille et en demanda la main. Mais M. de Balançon, qui voulait que son frère fût d’église, s’opposa au mariage, si bien que Mme de Tournon, offensée, rappela sa fille auprès d’elle, et « comme elle estoit femme un peu terrible et rude, sans avoir grand esgard que cette fille estoit grande et méritoit un plus doux traitement, elle la gourmande et la crie sans cesse, ne luy laissant presque jamais l’œil sec, bien qu’elle ne fist nulle action qui ne fust très louable ». Hélène fut donc bien joyeuse, en 1577, quand elle vit que la reine se rendait en Brabant, pensant que M. de Varembon, son amoureux, s’y trouverait et qu’il la demanderait en mariage.

Elle le vit en effet à Namur, mais il ne fit pas seulement semblant de la connaître. Et bien qu’elle se fût contrainte de lui montrer bonne mine par amour-propre, sitôt qu’il fut parti, elle se trouva « tellement saisie qu’elle ne peust plus respirer qu’en criant et avec des douleurs mortelles », et mourut en huit ou