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EXPOSÉ.

daient le bel amour, en semant son chemin de fleurs. » On crut que le roi allait se reprendre définitivement de tendresse pour sa femme ; tous ses jeunes compagnons, tous les membres de son conseil, et jusqu’au grave Rosny, étaient tombés dans les filets des dames de la reine : c’est d’Aubigné qui nous le dit. Oui, cette Princesse ou Reine de Peines d’amour qui vient régler les questions d’Aquitaine et dont le Roi s’éprend, c’est bien le souvenir de Marguerite de Valois qui l’a suggérée à l’auteur de la pièce, comme ces coquettes et spirituelles personnes qui l’accompagnent symbolisent sans doute le fameux « escadron volant ».

Il en est d’autres indices. Quand Catherine déclare à la Princesse qu’elle connaît déjà Du Maine pour l’avoir rencontré chez le duc d’Alençon, nous nous souvenons que Marguerite alla voir son frère François d’Alençon en juin 1579, deux mois avant son départ pour la Guyenne. Et quand Rosaline échange ses répliques avec Biron : « N’ai-je pas naguère dansé avec vous en Brabant ? — Je sais bien que oui », etc., nous évoquons le voyage mémorable que fit la reine aux eaux de Spa avec toute sa maison, et dont elle conte en grand détail dans ses Mémoires les fêtes et les bals.

Doutez-vous encore ? Lisez en ce cas les propos des dames de la Princesse à la scène II de l’acte V :

Rosaline. — Vous ne serez jamais amis ensemble : il [Cupidon] a tué votre sœur.

Catherine. — Il la rendit mélancolique, triste et morose, et c’est pourquoi elle mourut ; mais si elle avait été légère comme vous, si elle avait eu votre esprit gai, preste, pétu-