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EXPOSÉ.

Si nul autre contemporain n’avait jamais soupçonné le rôle littéraire occulte de Stanley, on pourrait s’en étonner, bien que cela ne soit pas en somme plus surprenant que le silence de tous sur la personnalité de Shakespeare. Mais nous allons voir que tel n’est pas le cas, et ici se place une très jolie trouvaille de M. Lefranc.

En 1595, Spenser publia une pastorale : Colin Clouts come againe, où il citait, selon la mode du temps, sous leurs noms véritables ou sous des noms de bergers, un certain nombre de ses contemporains. On a identifié depuis longtemps tous les personnages de cette énumération, mais personne n’a pu dire encore quel est le berger Aetion dont il est question dans les quatre vers que voici en français :

Et là, le dernier venu, mais non le moindre, s’offre Aetion : on ne pourrait trouver nulle part un plus noble (gentle) berger ; sa muse, pleine de l’invention de hautes pensées, sonne, comme lui-même, héroïquement.

Certains ont pensé qu’il s’agissait là de Shakespeare, mais on a renoncé généralement à cette hypothèse à peu près gratuite, d’autant plus que Shakespeare n’avait encore signé à cette époque que la dédicace de Vénus et Adonis, que Spenser semble ne l’avoir jamais connu et qu’il ne parle dans Colin Clout que de grands seigneurs ou de personnages illustres.

Le nom du berger Aetion, dérivé du mot grec ἀετός, aigle, signifie : qui dépend de l’aigle, qui se rattache à l’aigle. Or, la pièce principale des armoiries des Derby est une aigle emportant un enfant ; c’était l’em-