Page:Boulenger - L'affaire Shakespeare, 1919.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
EXPOSÉ.

Shakespeare n’avait eu que du talent. Comment, se dit-on, cet homme, ne l’aurait-on pas reconnu à son rayonnement d’esprit, à son auréole ? Mais songez que, justement, l’acteur Shakespeare offrait si peu d’intérêt que nul de ses contemporains ne lui a seulement prêté attention ; et vous avouerez qu’il n’est pas absurde de penser que, peut-être, l’immortel théâtre n’est pas de lui.

Beaucoup de gens doutent à cette heure et il semble même que le scepticisme gagne du terrain en Angleterre (mais la question d’autorité n’a rien à voir en de telles matières). Quoi qu’il en soit, ce scepticisme a fait faire beaucoup de progrès aux études shakespeariennes ; on a examiné, pesé, apprécié, goûté l’œuvre de plus près et renouvelé presque entièrement la biographie et le commentaire. De sages personnages se contentent de cet agnosticisme. Mais d’autres ont proposé des solutions.

L’auteur du théâtre shakespearien est Bacon, assure une nombreuse école. Bacon a voyagé en France : cela explique que les pièces dénotent la pratique de notre langue et la connaissance de notre pays. Si elles emploient couramment tant de termes de droit et d’expressions juridiques, n’en soyons pas surpris de la part de ce juriste. Rien que de naturel à ce que la première édition complète in-folio des pièces ait paru en 1623 : Bacon, qui jugeait qu’un écrivain doit sans cesse remettre ses ouvrages sur le métier,