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d’audierne au bec du raz

pas besoin d’aller à Venise pour trouver une gondole — ils remontèrent en bande joyeuse jusqu’à Pont-Croix. Là on s’attarda un peu à rêver sous le pont des soupirs, et quand il s’agit de revenir les eaux avaient baissé, et il faisait sombre… La rivière est un peu plate aux premiers kilomètres, et la barque s’envasa… position désagréable la nuit, rester dormir dans la barque pour attendre le nouveau flot, est peu agréable, ôter ses cothurnes au risque de les égarer comme Cendrillon, tout un embarras… La position était critique, car on est sûr d’avoir la vase jusqu’aux genoux si l’on veut gagner le bord, elle préféra se faire hisser sur les épaules du marin, qui se trouva très fier de cet honneur… J’en souhaite autant au touriste qui voudra s’asseoir à la place indiquée ; pour quelques personnes il faut si peu de chose pour être heureux ! Ils pourront dire, nous nous sommes assis sur le banc de Sarah Bernhardt. Eh bien ! après… Ce n’est pas là ce qu’ambitionnera un touriste sérieux, qui préfèrera remonter, en jetant un dernier regard sur l’immensité des flots, sur cette extrémité du vieux monde appelé par Ptolémée d’Alexandrie, Gobeum promontorium… faisant pointe à peu près sur les bancs de Terre-Neuve, sur les Icebergs qui se trouvent dans les mêmes latitudes, bien qu’ici ils se trouvent dans le pays tempéré par excellence, rarement on y voit des glaces, encore moins des neiges, mais le Dieu des bourrasques, le père Borée s’en donne, s’en donne souvent, et gare alors aux coquilles de noix, ces pauvres navires qu’il chavire volontiers faisant concurrence aux vierges de l’île de Sein, qui sont mortes de maladies de poitrine… on en verra les raisons dans ce que je raconte dans un voyage fait aux vestiges druidiques à l’île.