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cap sizun

pourvu, ajouta le marin tristement, qu’ils aient invoqué N.-D. de Bon-Voyage.

Nous n’avions nullement besoin de la lunette marine pour distinguer l’équipage. Trois hommes étaient à la barre qui réclamaient paraît-il assistance, les autres s’apercevaient éparpillés, accroupis près des bastingages. Pour nous c’était poignant de les voir ainsi aller à leur perte, nous serons les derniers à les voir en ce monde, disions-nous.

L’équipage aurait bien pu nous apercevoir, nul des marins ne songeait à regarder du côté du sémaphore où nous étions renfermés, mais d’où nous pouvions les apercevoir. Tous les matelots avaient les yeux tournés vers les courants, vers les montagnes d’eau qui assurément devaient être leur tombeau… Comment un malheureux condamné à mort, envisagerait-il sans frémir les canons des Chassepot braqués vers sa poitrine, si l’on n’avait pas l’humanité de lui bander les yeux, et ceux-ci avaient la mort évidente devant leurs yeux. Ils n’étaient pas aveugles.

En jetant un dernier regard de tristesse, nous nous éloignâmes, ne pouvant attendre la fin du drame.

Le surlendemain on lisait : « Le vapeur, La Vendée, s’est perdu corps et biens à la traversée du Raz, les épaves trouvées dans les parages d’Ouessant, ne laissent aucun doute.

C’était le beau steamer dont nous n’avions pu lire le nom. Touristes, je ne vous laisse pas le souhait de jouir d’un pareil spectacle, il reste un sentiment pénible.

Les visites se font à la belle saison, et quand par l’imagination seulement on assiste à pareil spectacle, ce n’est plus la même chose.

Autrefois, à la pointe du Ras, il y avait un phare, un peu plus loin un fanal. Il y a quelques années