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d’audierne au bec du raz

fouettant la crête des montagnes d’eau agitées, détachaient des flocons d’écume qui, se répandant dans l’air à une grande hauteur, masquaient l’horizon comme des tourbillons de neige.

Un oiseau n’eut pas osé risquer son vol au-dessus des abîmes où des diables enchaînés semblaient hurler. Quelques goëlands voltigeaient cependant rasant la terre, où jetant ce sifflement ironique et sinistre que l’on connaît et qui semble dire : Fu-is, fu-is… Les mouettes si nombreuses à la pointe d’habitude, se tenaient cachées dans les anfractuosités des roches.

Pas un seul navire au large, on eut pu que gémir sur leur sort ; pour tout secours on eut pu donner une prière car les malheureux matelots étaient voués à une mort certaine.

Au bout d’une heure, je vis les deux compagnons revenir, s’arcboutant toujours, se soutenant, le corps en deux plis.

Quand arrivé près de moi, mon ami impressionné put relever la tête et donner libre cours à son enthousiasme débordant, il s’exclama Que c’est beau ! que c’est sublime ! allons de ce pas au télégraphe, je veux annoncer à Mâcon que je suis ici, sorti vivant par un temps pareil… Je n’en perdrais jamais le souvenir.

Le télégraphe est au sémaphoore, où nous trouvâmes le guetteur étonné de notre visite… Au sommet du mât, il avait arboré les signaux de la plus forte tempête de Nord-Ouest. À notre arrivée il se trouvait à une vitre-lucarne, et de cet abri il nous signala à faible distance, un magnifique steamer gouvernant mal vers le Ras… en ce moment il était en quelque sorte en abri sous les falaises, malgré tout il semblait être le jouet des flots.

Le navire va droit à sa perte dit le guetteur…