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cap sizun

volume à un endroit indiqué. À l’heure fixe il ouvre le livre… à peine jette-t-il un regard vers l’objet il ferme le livre et c’est fini… Plus tard, il pourra dire, j’ai vu ceci, j’ai vu cela… en somme a-t-il vu quelque chose ?

Beaucoup partent attristés de n’avoir pu voir, mirabiles elutiones maris, les admirables bouillonnements de la mer. Je ne donne pas le conseil d’arriver dans ce but… Dieu merci, cela ne se présente pas tous les jours.

Un matin, je reçus la visite d’un étranger désirant voir les fureurs du Ras… Natif de Mâconnais, il était haut fonctionnaire dans un département voisin ; était-il sorcier ? était-il en relations avec le bureau météorologique ? Je ne saurais le dire, toujours est-il qu’il ne pouvait mieux choisir… C’était le 4 avril il y a une dizaine d’années… le temps s’annonçait atroce… avec peine trouvâmes-nous un coupé disponible. Les chevaux eux-mêmes semblaient de plus mauvaise humeur que le conducteur, ils ne voulaient pas marcher, nous avions laissé Audierne silencieux, sur les quais pas une âme tout semblait consigné, la route elle-même était déserte.

Arrivés au phare, nous trouvâmes des gens étonnés de notre arrivée… J’essayais de détourner mon touriste du voyage périlleux du Tour de la Pointe, qu’un marin s’offrait de guider.

Le guide comprenait fort bien, les motifs qui me déterminaient à rester à l’écart, et je laissais me donner le compliment de pusillanimité… Je restais donc, anxieux quand même… De loin, je frémissais en voyant les efforts des deux compagnons, s’arcboutant, se soutenant, courbant le corps pour n’être pas soulevés par le vent… Reviendront-ils pensais-je ? La mer avait toutes les teintes blafardes… noires, vertes, bleues : le vent