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cap sizun

Par dessus ce monument et les rivages, vous voyez toujours la mer… tout le long de ce littoral on incinère des goëmons, les varechs… Les terrains sablonneux qui bordent la côte ont une grande valeur, car ils sont utilisés pour sécher ces rubans blancs, violets et roses (les varechs), qu’un travail pénible arrache aux vagues, aussitôt qu’une tourmente est venue faucher les prairies sous-marines, hommes, femmes, à mi-corps dans l’eau, ramènent de la lame qui souvent peut les enlever eux-mêmes, au moyen d’énormes crocs en fer, toute la récolte fauchée par l’agitation des flots. Ces amas ramenés sur le rivage sont ensuite étendus au soleil… quand ils sont bien secs, à point amulonnés, on les incinère petit à petit dans des fours à découvert… De là cette fumée en spirale que vous pouvez apercevoir… Une odeur âcre s’en exhale quand le vent porte à terre… Vous ne retirerez pas de la tête du cultivateur qui ne profite pas de cette manne, que cette fumée répandue au loin est la cause de toutes les maladies des céréales et des pommes de terre. Le professeur aura beau lui démontrer dans ses conférences et le savant dans ses livres, que c’est un cryptogame, un champignon, cause de tout le mal, et qu’il y a des moyens de s’en garder : il haussera les épaules… et rira du savant et du professeur.

Ces varechs ainsi incinérés produisent les cristaux qui, transportés aux usines voisines, donnent l’iode, les bromes, les sels de potasse, etc., etc.

Le bon Dieu, pour beaucoup de fatigue, c’est vrai, et au prix de dangers réels, prodigue pour rien ces richesses utiles pour tant d’industries à ces travailleurs de la mer… Allez donc chez le droguiste et vous verrez l’effet du monopole ! —