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d’audierne au bec du raz

virginité de sa sœur. On lui accorde de vouer la sienne, et encore, et encore, fallait-il veiller et prier ferme… Mais à cette époque les miracles foisonnaient, plus tard on l’eût taxé de folie. François Ier au moyen-âge, écrivait déjà, à l’aide du diamant de sa bague, sur les vitraux du château de Chambord : Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie… La légende terrestre est bien donnée par M. Le Carguet, mais il ne fait qu’effleurer la légende au ciel, alors que saint Tugen se présenta au paradis, avec sa brillante auréole de vertus.

La voici… Le père éternel, comme tout chef d’État, a le droit de choisir ses ministres, nul ne le conteste, je pense.

Bon et fidèle serviteur, dit-il au saint breton, je te constitue gardien des filles, folles ou sages, qui me voueront leur virginité.

— Dieu le père, dit le Breton en tendant des bras suppliants, Je n’aurai aucune autorité sur elles, qui riront de mon manque de vigilance près de ma sœur… Je serais désolé de vous désobéir, et non recuso laborem, mais !… La bonté infinie sourit à ces paroles… sois sans crainte, bon serviteur, mais ne parle pas latin, je ne le sais pas, parle-moi breton de la basse Cornouaille, c’est le langage que nous parlons ici, et que l’on parlait au paradis terrestre… Choisis toi-même un emploi à ma cour.

Saint Tugen qui déjà avait fait son choix, répondit :

Père céleste, à qui seul, toute gloire est due, vous aviez créé la femme pour être la compagne de l’homme, mais Ève notre première mère, a légué à ses filles un triste héritage… Ne sont-elles pas toutes volages, fourbes, menteuses, médisantes, astucieuses, et l’homme est toujours leur dupe.