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l’enclos des Capucins où je l’ai laissé… Oui, nombreux sont ces navires, et quand il fait nuit sombre c’est un danger… Il est une pêche qui se pratique la nuit, et même les nuits sombres sont celles qui procurent souvent les plus fructueuses pêches. Une flottille de centaines de barques se trouve éparpillée… Quand le jour éclaire, une chaloupe est un point noir qui se distingue facilement, et alors chacun veille. Mais dans l’ombre de la nuit, ce n’est plus la même chose… il y a bien à côté, mais à 150, 200 et 300 mètres, une lanterne à lumière vacillante… cette lanterne, verticalement posée sur une bouée de liège, tout au plus à un mètre de hauteur, est entraînée par de longs filets à la dérive à la suite du courant, s’élevant, s’abaissant, suivant les caprices de la houle, on en compte 800 et 1,000, comme des vers luisants sur le sommet de la lame, ces lanternes sont là, surveillées par l’équipage attendant que le maquereau maille. Quelquefois la fatigue a saisi l’équipage qui sommeille, quand un vapeur passe, et la barque, petite coquille de noix sur l’océan est renversée et coulée : trop souvent cela arrive ; alors ce sont des cris de détresse, d’appels au secours. Hélas ! quelquefois à bord du steamer, on dort aussi, on ne peut stopper à temps, pour recueillir les épaves : Cet endroit est un peu comme le banc de Terre-Neuve où pareils désastres arrivent à des transatlantiques qui y font leur route naviguant à toute vapeur : et là, c’est le pays des brumes. Je le dis, à ce passage de la baie, ces accidents sont pour ainsi dire annuels. Heureux disent les pêcheurs quand le vapeur qui file, n’appartient pas à cette nationalité mercantille, pour laquelle la devise : Time’s the money, est en vigueur. Leurs capitaines semblent dire : « Je vous fais, pêcheurs, en vous coulant, beaucoup d’honneur. »