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travail se faisant à la tâche, et, s’il faut rester toute la nuit, on dormira quand on pourra… À cette heure aussi, ferblantiers, soudeurs, boitiers, hommes de peine vont au repas… tout cela se croise, s’entr’croise, s’interpelle ; ne vous arrêtez pas trop à les compter car les postillons qui passent ne crieront : gare ! qu’après avoir raccroché le badaud.

Le bidet, qui trotte menu et vite, ne badine pas… et quand on se présente au moment de la marée, vous voyez passer sous vos yeux les paniers pleins de belles et grosses sardines fraîches, au dos bleu de Prusse, moiré de vert, au ventre d’argent… et tout cela passe à la friture où beaucoup de bras attendent le travail.

Quelques rares paniers vont à des femmes agenouillées, qui préparent des expéditions pour la contrée, pour les corbelleurs Jacques Broment et autres… Vous voyez jeter le sel a poignées, ce sera un régal pour tous… heureux notre pays auquel le bon Dieu prodigue cette manne annuelle ! heureux quand la pêche abondante assure la vie à bon marché ! De son côté, le marin retourne à une nouvelle marée, avec plus de courage : il se dit : « mon pain d’hiver, si difficile à gagner, est assuré. » l’industriel qui empile dans ses magasins, caisses sur caisses, fait ainsi ses rêves, calcule ses nouveaux débouchés qui sont le monde entier.

En ce moment, d’autres commerces sont en activité… gens du pays, nous ne sommes nullement frappés de ce spectacle qui nous est ordinaire… mais il n’en est pas de même de l’étranger qui s’étonne de ces navires en partance, en arrivée… Sur les quais, on charge et on décharge ; des piles de bois sont alignées, des ballots de cordage, des caisses obstruent le chemin le long des quais ; des fûts, des tonneaux de toute essence, des phos-