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audierne

l’autre, par couples jumeaux, trois, quatre ensemble. Les filets sont hissés à la corne des mâts qui sont forêts, dégouttant encore humides sur les ponts, blancs d’écailles et de sel ; les uns font sécher leurs voiles, couleur de rouille, qui claquent au vent. Les uns ont donné à leurs filets la teinte d’azur de la mer, et pourquoi ? C’est qu’il ne faut pas effaroucher le poisson qui se précipite sur la rogue semée pour les affriander… Dans ce bas monde, tout est tromperie.

À travers ces mailles, vous apercevrez l’horizon, les coteaux couverts de maisonnettes de pêcheurs, la largeur du bassin que de nombreux canots remplissent, où les mousses s’escriment, à la godille, près de ce pont, près de cette route qui amènent de nouveaux voyageurs… mouvement perpétuel, bruit assourdissant du pas traînard de pêcheurs qui rentrent, qui circulent, qui vont d’une cale à l’autre, portant sur leurs dos des échafaudages de filets. Pour quelques personnes, c’est le spectacle curieux de l’arrivée de la marée, à ses cales spéciales, trafic journalier, où la ménagère, les maîtres d’hôtels, les corbelleurs viennent faire leur choix, à moins que le mareyeur habile et discret n’ait des commandes, et les bons morceaux sont pour lui. Le langage, dans ce rassemblement, étonne l’étranger qui n’a pas l’oreille faite aux gros mots plus ou moins épicés de gros sel.

Quand l’heure de midi sonne, c’est une cohue, alors que les fritures ouvrent leurs portes… c’est par bandes de cinq et six que femmes et fillettes, en tablier blanc, vous passent, à la hâte, elles vont rendre quelque nourriture, les unes, dans leur famille, les autres sous quelque abri ; car elles viennent un peu de partout, des environs, de deux lieues à la ronde… à la hâte vraiment, le